« Apprendre, avec les pros ! »Du café, recyclé ou produit en Bretagne ? (1/2)
Peut-on recycler le marc de café dans des productions maraîchères ? Et, pourquoi pas, faire pousser des caféiers en Bretagne ? Deux équipes de BTS 2 ont mené chacune une expérimentation à la Stepp Bretagne de Saint-Ilan. Odile Maillard
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De longue date, les jardiniers ont utilisé le marc de café dans leurs pratiques de jardinage, mais de façon empirique. L’école d’horticulture de Saint-Ilan, à Langueux (22), a répondu à une suggestion de la firme Loccapi, qui gère un parc de plus de 3 000 machines à café dans tout l’ouest de la France, afin de valoriser les quantités de marc utilisées.
Les dix-huit BTS deuxième année productions horticoles de la promotion 2019-2020 ont constitué deux équipes. L’une a étudié le recyclage potentiel du marc dans une culture de salades. La seconde sur les potentielles chances de produire des plants de caféiers en Bretagne. Ces défis s’inscrivent dans un Module M54 de leur cursus scolaire, durant lequel ils apprennent à mener et gérer une expérimentation, en tant que futurs professionnels. Toutes deux ont travaillé avec deux partenaires.
Tout d’abord la station d’expérimentation Stepp (Station technique d’expérimentation des plantes en pot) d’Astredhor Loire-Bretagne, à Saint-Ilan également. Un outil de recherche appliquée, de démonstration concrète et pédagogique à la fois. Les étudiants l’ont utilisé pour les mises en production, le suivi des cultures, l’analyse des résultats. Aurélien François, gérant de la société Loccapi, a exposé ses projets de mettre en place une filière de recyclage, voire de cultiver des plants de caféiers en Bretagne.
Essais de l’équipe « Recyclage du marc de café »
L’équipe du blog « Recyclage du marc de café » comprenait huit étudiants en BTS 2, qui ont relaté la démarche suivie. À la suite d’une intervention de leur partenaire professionnel, Aurélien François, le 12 novembre 2019, ils devaient d’abord vérifier les éventuelles propriétés du marc sur les cultures, afin de savoir s’il est une ressource potentielle pour des agriculteurs, au lieu d’être jeté.
Au fil du blog, par l’intermédiaire de petits textes, de photos, de présentations animées et de l’interview du partenaire, sont exposés le déroulé des essais et l’analyse des résultats.
« Nous nous sommes réunis en groupes afin de chercher des informations sur l’utilisation du marc de café. Après avoir mis nos différentes recherches en commun et échangé, nous avons décidé, le 19 novembre, de mettre en place l’expérimentation suivante : remplacer un peu d’engrais par du marc de café sur les semis de salades. »
Un protocole en quatre modalités
« Le 27 novembre 2019, nous avons mis en place le protocole. Nous avons réalisé les mottes et le semis, puis ajouté du marc de café, sauf pour notre lot témoin. Nous avons semé les graines de salade (une par motte). » Les caisses, qui sont placées sur des tablettes dans la serre de floriculture, reçoivent chacune une étiquette de couleur pour reconnaître la dose de marc de café : la verte indique le témoin sans marc de café, l’orange, 10 % (pour 1 kg de marc) ; jaune, 20 % (2 kg), rouge, 30 % (3 kg). Quantité totale : 12 kg.
Le 11 décembre, les étudiants ont réalisé un suivi de culture et constaté « l’arrivée d’un champignon (sûrement décomposeur, non pathogène) sur les mottes. Plus le pourcentage de marc ajouté au terreau est élevé, plus ce champignon s’est développé. Nous avons également constaté que les caisses témoins avaient une germination plus précoce que celle contenant du marc ».
Le 7 janvier 2020, les étudiants ont suivi la pousse des salades. « Nous avons mesuré chaque plant dans les différentes caisses en classant suivant le nombre de feuilles sorties. Nous avons constaté une prolifération du champignon plus forte à certains endroits qu’à d’autres. Nous avons aussi remarqué que le développement des salades était très hétérogène et que les mottes n’étaient plus humides. Nous les avons donc arrosées et décidé de rempoter les salades les plus développées lors de la prochaine séance. »
Fiche séance du 23 janvier : « Nous avons mesuré une nouvelle fois chaque plant. Les salades étant prêtes, nous avons décidé de rempoter quinze beaux plants de chaque test dans du substrat pour mottes dans des pots de 10,5 cm (plateaux de quinze). Nous avons placé les huit plaques à côté des essais dans la serre de floriculture. »
Le 6 février, « dans l’hypothèse que le champignon provienne du marc de café, nous avons stérilisé celui-ci en le passant au four pendant une heure et demie à 150 °C. Ensuite, nous avons refait des mottes de semis en gardant trois modalités (témoin, 10 % de marc de café et 20 %) et deux blocs. » Les graines ont été semées (toujours une par motte) et les plateaux mis dans la serre.
Un champignon perturbateur
Le 12 mars, les étudiants ont analysé les résultats des premières mesures de façon statistique. « Nous nous sommes intéressés au nombre de feuilles sur chaque jeune plant. Les résultats ont montré une différence très significative entre les modalités. Le témoin montre ainsi beaucoup plus de feuilles que les trois autres. Nous pouvons déjà conclure que la présence du marc de café dans le substrat entraîne un retard à la levée. Est-ce dû au développement d’un champignon non pathogène, qui s’est installé et qui concurrence la levée, ou à la présence de caféine, qui ralentit le processus ? »
« À la suite de notre première constatation, nous avons envisagé que le marc de café avait apporté les spores de champignon et nous voulions donc confirmer cette hypothèse avec du marc passé au four, cette fois pendant deux heures à 150 °C. Nous avons donc recommencé un essai avec trois modalités : un témoin, un mélange substrat + 10 % de marc et un mélange à 20 %. À l’observation, nous avons constaté la présence du champignon malgré la stérilisation. Nous avons à nouveau observé une différence de levée entre les différentes modalités, avec un retard à la levée dans les caisses comportant du marc. Nous avons ensuite compté le nombre de graines levées dans chaque caisse. Il semble y avoir plus de perte dès la levée dans une de celles à 20 % de café (peut-être un problème d’arrosage de la dernière caisse). Nous pouvons déjà conclure que le champignon est présent dans l’environnement et qu’il ne provient pas du marc de café stérilisé. »
Des essais à poursuivre, plutôt en surfaçage avec des plants développés
L’équipe en est restée à ce stade d’expérimentation. Le confinement et la fermeture des écoles dès mars et jusqu’en juin ont stoppé les travaux. Dans leur diaporama animé, les élèves concluent toutefois : « Nous n’avons pas noté de toxicité du marc de café pour des graines et pousses de salade, mais un retard à la levée significatif, potentiellement intéressant uniquement pour retarder un cycle de culture. » Le champignon saprophyte leur a causé bien des soucis. Présent dans l’environnement ? le substrat ? le marc lui-même, frais ou stérilisé ? Conclusion : « Nous ne préconisons pas le marc de café en mélange dans le substrat de semis. Nous suggérons de poursuivre les essais avec un surfaçage sur le substrat de plantes plus développées… afin de vérifier les bienfaits relatés dans la littérature. »
Odile MaillardDans une prochaine édition : l’aventure de la seconde équipe, celle qui s’est essayée à la production de plants de caféiers en Bretagne !
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